Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, ce ne sera pas un post déconne ou test quelconque. Mais plutôt un coup de gueule. J’ai longuement hésité avant de le mettre sur mon blog, parce qu’on est loin de sa ligne éditoriale, parce que quelque part c’est un texte très personnel. Je me rend juste compte de la chance que j’ai, que nous avons. Tous. Et qu’il serait peut-être bien temps qu’on s’en rende compte, avant de basculer dans les extrêmes…
Ce soir, je suis en colère. En colère et triste. Triste de ce que le monde est devenu. Triste de l’indécence de nos hommes politiques, qu’ils soient belges ou français, qui osent dire que chez nous, dans un pays où le plus gros risque est de se faire piquer son sac ou son téléphone, où le taux d’homicide s’élève à 1,7 pour cent mille habitants en France et 1,2 pour cent mille habitants en Belgique, soit respectivement 840 et 180 personnes mortes par homicide en 2013. En comparaison en Syrie, en 2013, ce sont plus de 73600 personnes qui sont mortes
Et ils osent dire que“Nous sommes en guerre”. Que nous avons peur?! Mais déjà, qui ça nous? Chaque français? Chaque belge? Ou les masses rêvées par nos politiques?
Peur des attentats? Peut-être. D’un autre côté si les médias ne se montraient pas si anxiogènes, on n’en serait peut-être pas là.
C’est totalement indécent, c’est une insulte pour les pays où réellement il y a la guerre.
Alors oui, il y a eu des attentats, et oui, il y a toujours un risque, mais je ne pense pas qu’on guette tous le ciel au dessus de nous, à l’affût des sirènes pour savoir quand LES prochaines bombes tomberont et si ce ne sera pas sur notre maison, ou ce qu’il en reste.
C’est indécent et honteux. Nous avons pour la plupart un toit sur la tête, de quoi manger et ne tremblons pas pour la vie de nos proches, ou la nôtre.
Mais bordel, la guerre, la vraie, elle se passe en Syrie. Ce sont des familles sous les bombes. Des familles parfois décimées par des tirs. Ce sont des enfants qui tentent tant bien que mal de survivre, la peur au ventre. Des parents qui tremblent pour leurs filles, leurs fils.
Des tas d’anonymes dont le monde se fiche. Des gens qui viennent “pour profiter de l’Europe”, parce que c’est sur, c’est plus fun d’aller risquer de se noyer dans la Méditerranée plutôt que de finir écrasé dans les décombres de sa propre maison.
Et puis parfois, magie d’internet, des visages apparaissent. Des histoires, des récits de vie. Des enfants, comme la petite Bana Alabed, elle a sept ans. L’âge de ma fille. Elle est Fan d’Harry Potter. Elle veut devenir prof et auteur. Elle a deux jeunes frères.
Sa maman tient un compte twitter pour elle: https://twitter.com/AlabedBana. Elle y parle de leur vie. De la dureté et de la mocheté de la guerre. Parce que c’est ça la réalité: des gens qui meurent, et pas comme dans les films, il y a du sang, de la douleur, des morceaux de corps. La mort fauche sans distinction d’âge, de sexe ou d’innocence. Pas que des inconnus non plus. Des amis, de la famille. Tu ne me crois pas? Tu veux faire du voyeurisme? Remonte son fil. Tu y verras des horreurs. Celles de la guerre. Des enfants morts. Des images qui montrent la réalité, crue.
Des hôpitaux et des écoles bombardés détruits, des vies fauchées. Des gens qui luttent pour essayer de maintenir un minimum de cohésion, de cohérence à leur vie.
Mais elle tweete aussi des tranches de vie, de la joie et du bonheur, la lecture d’un Harry Potter, le visionnage d’un film.. La joie de savoir que la petite souris va passer parce que Bana a perdu une dent. Des photos où la fratrie est souriante.Des photos d’avant-guerre.
Des images de la vie telle qu’on la vit ici. Les petits bonheurs des parents face à leurs enfants. Mais à la différence près que là-bas, tu ne sais jamais si c’est pas la dernière fois que tu vois ton enfant vivant et en bonne santé. Que ces souvenirs que tu fabriques seront peut-être les derniers. Que peut-être demain, ce seront ton fils, ta fille, qui seront enveloppés dans une couverture.
Et là d’un coup, tes propres malheurs tu les relativises. Et tu te rends compte que tu peux pas faire grand chose. A part t’indigner. Le crier sur les réseaux sociaux. Et écrire pour exorciser cette colère que tu sens au fond de toi, cette peine, ton impuissance devant la folie des hommes.
Et toi qui te dis pourtant athée convaincue, et fière de l’être, tu pries. Tu pries pour que Bana, sa maman, ses frères, les syriens coincés à Alep et ailleurs vivent. Que la guerre cesse.
Tu pries parce que c’est ce que Bana, sa maman et d’autres syriens te demandent. Prier avec eux pour que jour après jour ils restent en vie, que la guerre se termine. Prier parce que finalement il n’y a plus que ça à faire, parce que prier revient à penser à eux. A espérer que tout se finisse bien.
Le partager sur les réseaux sociaux pour espérer que si suffisamment de monde s’indigne, peut-être que ça fera bouger les choses. C’est sûrement naïf et bien peu, mais c’est mieux que rester inactif et indifférent.
Combien devront encore mourir avant que tout cela ne cesse? Dans l’indifférence générale, parce que après tout “nous avons aussi nos problèmes”. Mais nom d’un chien, travailler sur plusieurs fronts en même temps, améliorer nos vies et chercher des solutions pour la Syrie, ça ne doit pas être incompatible non?!
Elle s’appelle Bana, elle a sept ans. De longs cheveux noirs tressés ou en couettes. Une poupée. Et tous les jours, elle a peur de mourir. Pensez-y, la prochaine fois que vous direz “qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” et que “leurs hommes n’ont qu’à s’armer pour tenir tête à l’ennemi”. Face à des avions? Face à des militaires entraînés? Des hommes qui n’ont probablement jamais tenu une arme dans leurs mains? Autant les faire fusiller directement, ça ira plus vite.
Elle s’appelle Bana, elle a sept ans. Elle adore Harry Potter et dessiner. Et ardemment je prie pour qu’elle n’ait pas sept ans à jamais…
Elle s’appelle Bana, elle a sept ans. Et égoïstement en elle, je vois le reflet de ma fille.
Elles s’appellent Bana, Aména, Yana ou Ola. Ils s’appellent Adnan, Mohammed, Elias ou Sami. Ils ne sont pas encore nés, ont quelques semaines, mois, années.
Et ils ont besoin de moi, de vous, de nous. De notre soutien. Ne les ignorons pas. Ne les laissons pas tomber.
Si nous ne faisons rien,bientôt il ne restera d’eux que des photos ,des petites traces à la surface de notre mémoire,à peine des ronds dans l’eau où ils seront morts,à peine une trace de sang sur les pierres qui les auront recouverts.
#StandWithAleppo