Sainan

Hop, encore une tite nouvelle sur laquelle j’ai essayé deux styles différents pour “casser” la trame et voir ce que ca donnait.
Maintenant, ca plait ou pas, j’avais fait cette nouvelle pour un concours DEM et par manque d’inspiration et de délais très court (s’y prendre à la dernière minute saymal) je l’ai torchée en quelques minutes, sans savoir ou j’allais.

Au final j’en suis assez satisfaite, ce n’est surement pas une de mes meilleures, mais pour ce que j’y ai mis de temps d’inspiration et d’idée je la trouve honorable.

La nuit était sombre et brumeuse, ; le vent qui soufflait sans discontinuer depuis plusieures heures se calma d’un coup, comme s’il sentait qu’il allait se passer quelque chose.
La rue retient son souffle et l’eau sous le pont est à peine ridée par le courant charriant les feuilles qui se sont encore attardées en ce début d’hiver.

La femme est debout et regarde l’eau trouble sans rien dire. Elle semble hésiter, piétine un peu sur place, regarde a gauche, à droite et prend une grande respiration.
Le bruit sourd casse le silence lourd qui s’était installé jusqu’alors et l’onde se propage paresseusement sur la surface de l’eau tandis que le corps de l’enfant, lourdement lesté se fond dans les profondeurs noires et boueuses du canal.
Ses mouvements se font de plus en plus lents, et un dernier spasme le secoue tandis que la mort le prend sous son aile.
Il avait douze ans, son seul tort était d’avoir voulu voir à quoi ressemblait le coeur de sa petite soeur.

Sainan s’embêtait ferme dans la Géhenne. Son dernier humain avait duré si peu de temps qu’il avait à peine pu lui apprendre le b.a-ba de la cruauté; et quand enfin ca commençait à devenir intéressant, ne v ‘là t’y pas que cet andouille parvenait à se faire tuer.

Il lui avait pourtant appris à être discret et à ne pas se faire remarquer dans ses menus larcins, mais passer directement de l’énucléation canine à l’arrachage de coeur était peut être un peu trop, l’ascension maléfique qu’il lui avait soufflé à l’oreille devait avoir manqué l’un ou l’autre palier.

Tant pis se dit-il, il aurait surement l’occasion de recommencer avec un autre, et cette fois faire plus attention: apprendre à une jeune femme les sévices sado-masochistes promettait d’être une aventure amusante.
Peut-être même parviendrait-il à lancer une mode la dessus, comme son pote Andrealphus l’avait fait quelques siècles plus tot avec les orgies grecques et romaines, ou les corps s’entassaient pêle-mêle, tête-bêche dans un mélange de volupté et de luxure, tout ça sans complexes et avec avidité, tandis que ce va nu pied de fils du vieux sénile en était à ses premiers balbutiements. D’ailleurs il avait pas dû s’embêter le cochon, avec tout ce qu’il avait fait avec Marie-Madeleine.

Il shoota dans un crâne en se disant que plutôt que d’attendre de s’approprier une nouvelle âme vierge lors d’une conception humaine, chose qui il le savait ne serait pas facile vu l’âpre bataille qui se livrait à ce sujet avec ceux d’en haut, il ferait tout aussi bien de monter faire un tour sur terre pour tourmenter, et pourquoi pas engranger quelques âmes par là bas tant qu’à faire.

La femme courait, sans reprendre haleine, comme si vie en dépendait, ce qui à dire vrai était le cas.
Le démon derrière elle trottinait allègrement savourant sa peur et sa souffrance comme s’il s’agissait là d’un nectar divin; « un nectar divin » pensa-t’il comme c’était amusant venant d’un démon et l’idée blasphématoire sous-jacente le mit encore un peu plus en joie.
Les êtres humains sont si facilement influençables, c’est carrément de la manipulation facile, encore mieux que les jeux online qu’il aimait tant et avait inventé quelques années plus tôt.

Perdu dans ses pensés, il ne se rendit pas compte tout de suite qu’il n’entendait plus les talons de la femme claquer sur le pavé froid de la rue et le temps qu’il lui fallu pour la localiser suffit à la rosse pour lui balancer un coup de poignard bien affuté.
Il l’avait décidément bien choisie, la mère était au moins aussi déterminée que lui et le fait de savoir que c’était lui, qui par son entremise avait tué son enfant la rendait encore plus furieuse, et à ses yeux, belle.

Il repensa à leur première entrevue, à comment il l’avait séduite, fait découvrir des plaisirs charnels dont elle ignorait l’existence, comment où après une étreinte particulièrement voluptueuse il lui avait expliquer avec force détail comment il avait convaincu son fils d’ouvrir la poitrine de sa petite soeur de quatre ans, la chouchoute de sa maman pour en extraire son coeur et essayer de le manger, que comme ça, peut-être l’aimerait-elle au moins autant qu’elle.
Malheureusement, elle était rentrée plus tôt de son travail et n’avait pu voir son fils essayer de s’approprier l’organe si cher à son coeur.

Elle ne l’avait au départ pas cru, mais quand il lui avait livré les détails qu’elle seule savait, il avait vu ses yeux s’agrandir et sa bouche s’arrondir dans une syllabe horrifiée.
Il avait ri, en lui caressant l’épaule. Elle s’était dégagée de son étreinte et avait filé uniquement recouverte d’un long manteau et un couteau à la main qu’elle avait ramassé par réflexe en passant par la cuisine.

Maintenant, les yeux plein de douleur et de haine, elle le fixait, savourant la blessure qu’elle lui avait faite, monstrueuse elle même, de moins en moins humaine.
Il voyait au fond de ses yeux la rage et l’envie d’en découdre avec lui, de le tuer, de le faire souffrir et se mélange des sentiments de la femme, melé à la douleur qu’il éprouvait le menait vers un abime de douceur qui précédait il le savait cette explosion de joie et quasiment orgasmique du moment ou l’âme d’un humain lui appartient.

Il savait que si elle pensait l’avoir tué, elle serait sienne, il faisait durer le plaisir, faisait semblant de lutter, de perdre ses force, de paraître agonisant.
Quand enfin il s’écroula au sol et qu’elle s’approcha de lui, pressée de l’achever, il lui murmura au creux de l’oreille : « je sais que tu rêves de me voir mort, veux-tu être exaucée?», elle hurla des insanités, lui répondant par là par l’affirmative.
C’était tout ce qu’il attendait, il laissa le couteau s’enfoncer dans la chair tendre de ce corps humain qu’il avait « emprunter », laissa le torrent de sang s’écouler d’un corps qui semblait sans vie.
La femme sanglotait sur le torse de l’homme mort; aussi ne vit elle pas le démon qui s’approchait d’elle par derrière et sans bruit, lui tordit le cou, brisant net les vertebres.

Sainan était de retour en Enfer, fier de lui, il sifflotait une chanson dont il inventait l’air au fur et à mesure. Derrière lui, une femme rejoignait une longue colonne d’ombres qui passait en gémissant sur le sort funeste qui lui était réservé.
Une forme plus petite qu’elle se détacha du flot pour l’absorbée.
Ainsi, le fils mal aimé avait enfin sa mère pour lui tout seul, ils étaient réunis dans les profondeurs puissantes de la douleur.

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